Tanné de la publicité? Devenez un membre privilège et dites adieu aux bannières!

LPDP - Page d'accueil
Compte privilège
Nouveau compte
Activer un compte
Oublié mot de passe?
Renvoyer code d'activation
Poèmes populaires
Hasards de l'équipe
Poèmes de l'année
Publier un poème
Liste détaillée des sections
Poème au hasard
Poème au hasard avancé
Publications
Règlements
Liste des membres
Fils RSS
Foire aux questions
Contactez-nous
À Propos
::Poèmes::
Poèmes d'amour
Poèmes tristes
Poèmes d'amitié
Poèmes loufoques
Autres poèmes
Poèmes collectifs
Acrostiches
Poèmes par thèmes
::Textes::
Nouvelles littéraires
Contes d'horreur
Textes érotiques
Contes fantastiques
Lettres ouvertes
Citations personnelles & Formes courtes
Textes d'opinion
Théâtre & Scénario
::Discussions::
Nouvelles
Portrait sous vers
Les parutions
De tout et de rien
Aide aux utilisateurs
Boîte à suggestions
Journal
Le coin de la technique
::Images::
Album photo

Membre : 1
Invités : 20
Invisible : 0
Total : 21
· Brin d'harmonie
13261 membres inscrits

Montréal: 4 octobre 06:06:44
Paris: 4 octobre 12:06:44
::Sélection du thème::
Ciel d'automne
Lime trash
Soleil levant









LPDP :: Lettres ouvertes :: À ce que nous n'avons jamais été vertical_align_bottom arrow_forward_ios

Page : [1] :: Répondre
ozner

Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
43 poèmes Liste
469 commentaires
Membre depuis
18 juin 2008
Dernière connexion
26 mai à 22:26
  Publié: 17 févr 2014 à 08:37
Modifié:  17 févr 2014 à 08:39 par ozner
Citer vertical_align_bottom

Pour commencer elle m'a montré une vieille. C'est le protocole sûrement... d'abord on vous sort du tiroir une mort "naturelle", un corps qui est allé au bout, "tout au bout de la vieillesse"...
Au milieu de la pièce où on m'avait trainé se trouvait une table haute d'un mètre, couverte d'un drap blanc. Sur la table et sous le drap, on devinait aisément un corps - et voilà ce qu'on est lorsqu'on meurt : une décoration de mauvais goût. La légiste avait tiré le drap de la tête aux genoux avec tendresse; bien sûr elle ne pensait pas réveiller la vieille mais simplement, je crois qu'elle agissait comme ça par respect; pour le silence au moins. Lorsqu'elle eut fini, elle se déplaça lentement, d'un pas léger, jusqu'au bout de la table, celui qui accueillait froidement et pour un court moment la tête de la vieille. Les doigts lourdement bagués de la légiste se mirent alors à entortiller les cheveux blancs et secs du cadavre; elle murmurait : "Elle est belle hein...", faisait glisser ses mains, caressait les joues froides de ce corps en attente d'oubli; me regardait enfin... répétait : "Elle est belle...". Mais c'est tout aussi laid qu'un corps en vie, un macchabé... tout aussi indigne... Et mourir vieux n'arrange rien. Mourir n'arrange rien.
C'en était absurde, effroyablement drôle, de sembler à ce point secoué par ce qui n'était qu'un minuscule point final. La légiste devait pourtant s'en être accommodé de la mort, comme on se fait à soi au bout d'un moment - un peu par hasard -, comme on se supporte au point de s'oublier... Peut-être faisait-elle mine de; le masque le plus commun se porte pour les autres : la tolérance, l'empathie - les pastilles pour la gorge.
Elle était pâlote mamie, voilà. Elle bougerait plus. Y avait pas de quoi pleurer. Y avait rien à dire.
Elle me fixait la légiste, avec ses yeux vides... voir si je tenais le coup, s'il me fallait un remontant ou si j'allais tomber à genoux pour gueuler ma tristesse au bon dieu avec cette frénésie qu'ont seuls les gens qui ne sont tristes qu'à travers le regard des autres et le sont peu, au fond, pour des raisons qui ne regardent qu'eux-mêmes.
Les pastilles pour la gorge c'était pas mon truc... pas ma came. Là y avait qu'à se pincer les lèvres légèrement.
La légiste semblait déçue. "Bordel ! vascille ! montre-moi quelque chose ! " hurlaient ses yeux immenses.
Voyant que rien n'arriverait, que je ne tremblerai pas, elle changea tout à coup d'expression, et cette fois le haussement de sourcils qui accompagnait son regard signifiait "Il va bien voir ! ". L'avertissement était faiblement dissimulé, ce qui, le plus souvent, provoque chez la personne ciblée la réaction inverse de celle attendue : la défiance.
Elle caressa une dernière fois la vieille et la recouvrit.
Derrière moi se trouvait une armoire en aluminium, ou en inox, je sais plus. Je ne l'avais pas remarqué en entrant. L'examinant rapidement, je m'aperçus qu'un autre drap, beaucoup plus petit que celui qui recouvrait la vieille, y reposait sagement. La légiste passa devant moi précautionneusement - elle marchait en pèlerine, investie d'une foi sans réserve quant au trouble certain qui m'envahirait à la vue du spectacle qu'elle allait m'offrir. Et plus les secondes passaient, plus je sentais son enthousiasme, malsain, s'emplir de puissance - ce qui naissait en elle, c'était ce bonheur primaire et parfois destructeur que nous avons d'influer sur les sentiments des autres...
Elle se plaça devant l'armoire, dos à moi. C'était évident, la forme sous le petit drap... pas un bras, pas une jambe... C'était minus le truc, et les contours étaient distincts. Là aussi, elle tira le drap tranquillement, jetant de brefs regards derrière elle...
C'était un garçon... "Vingt-cinq semaines", je l'entends me dire. Un peu plus de cinq mois en somme...
Il était beau... rouge écarlate mais beau... Les détails étaient là, les doigts parfaits, les oreilles, les pieds... et sa trogne, toute bien aussi...
Il aurait pu bouger. C'était pareil...
Seulement, il était pas là, il avait pas eu le temps d'être là. Il avait assez existé, tout vécu, et tout ce qu'il ne laissait pas derrière lui c'était ce qu'on fout dans des livres. Son bonheur, c'était d'avoir vécu uniquement l'essentiel. Les malheurs il les laissait, comme toujours, à ceux qui restent, et qui ne comprennent rien à l'essentiel.
Voilà. Voilà, c'est à lui que j'ai pensé quand j'ai vu ma fille pour la première fois, née à vingt-huit semaines, mais toute aussi petite, intubée, rouge écarlate.
Elle a pleuré, on m'a dit. Elle a bougé, aussi; elle bouge encore.
Voilà. C'est à lui que j'ai pensé. À ceux qui ont tout vécu sans être enfants, sans être adultes, sans être vieux. À ceux qui n'ont jamais rien été vraiment. À nous tous, nous qui avons laissé dans notre dos partir l'enfant que nous étions, l'antichambre du formidable vide que nous pensons vivant. J'ai pensé à nous tous et aux enfants que nous n'avons jamais été, qui n'ont jamais été là et qui pourtant, nous font signe au loin, de l'autre côté de la berge, semblant nous dire : ne pleurez pas, ne nous regrettez pas, ne vous regrettez pas... car rien n'existe.

 
Eleven


...the sunshine girl is sleeping...
   
Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
77 poèmes Liste
767 commentaires
Membre depuis
14 novembre 2006
Dernière connexion
2 sept 2022 à 08:06
  Publié: 18 févr 2014 à 06:39 Citer vertical_align_bottom

Je sais pas bien quoi dire.
Pas parce que j'ai envie de trouver les mots justes. Seulement que peut-être j'avais bien envie de dire trop de choses.

C'est un constat, je le trouve juste, quand il sort de ton stylo, comme toujours.
Ca commençait comme... et puis, oui, c'est tellement ça...ta légiste elle est partout, dans toutes les personnes que l'on peut croiser. C'est fascinant et pathétique à la fois. Triste peut-être. Ou alors il n'y a qu'à se dire que c'est comme ça...Si on y arrive, il paraît que tout va mieux.

Et puis tu apportes la conclusion. Pas envie d'en faire des tartines. Pas la peine sûrement.
Et c'est juste tellement ça.
Non rien n'existe, même si quelque chose dépense beaucoup d'énergie à nous faire croire le contraire. Non. Vraiment pas.

J'avais envie de citer tout le texte.
Je vais, à cet instant, planquée derrière mon PC, en évitant de suffoquer dans mon magnifique rôle, ne citer que ça :

"l'antichambre du formidable vide que nous pensons vivant"

Parce que j'en ai juste envie.

Tes écrits sont précieux.


  ...on ne reviendra pas...
ozner

Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
43 poèmes Liste
469 commentaires
Membre depuis
18 juin 2008
Dernière connexion
26 mai à 22:26
  Publié: 19 févr 2014 à 10:45 Citer vertical_align_bottom

Merci Thib.
Tu sais, on avait échangé quelques messages à la naissance de ma fille. Tu m'avais sorti que "certains peuples disaient que ça portait chance de naître avant terme" et je l'ai gardée, cette phrase, parce qu'elle m'avait fait du bien. Je l'ai gardée car elle me permettait quelque chose d'étrange, à cette époque. Sourire un peu.
Merci d'être passé là, surtout là.


El...
Merci à toi, vraiment, ça me touche tout ça. Je sais pas si tout va mieux, si comme tu dis "on se dit que c'est comme ça" mais, tout... va, tout coule, tout continue comme si ce n'était pas comme ça. C'est pas mieux ni même différent. On peut acheter un peu de temps, c'est tout. Enfin je sais pas.
Un grand merci, encore.

 
so sweet

Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
17 poèmes Liste
627 commentaires
Membre depuis
26 mars 2013
Dernière connexion
6 juil 2022 à 11:44
  Publié: 23 févr 2014 à 22:06 Citer vertical_align_bottom

un beau texte,
désolée je ne trouve rien à dire de plus, il est 04h00 du matin.
mais j'ai aimé, beaucoup.

 
ozner

Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
43 poèmes Liste
469 commentaires
Membre depuis
18 juin 2008
Dernière connexion
26 mai à 22:26
  Publié: 24 févr 2014 à 05:36 Citer vertical_align_bottom

Merci beaucoup.

 
datura.


Il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre
   
Statut: Hors ligne
Envoyez un message instantané à ce poète.
Statistiques de l'utilisateur
333 poèmes Liste
765 commentaires
Membre depuis
20 août 2011
Dernière connexion
Aujourd'hui à 09:54
  Publié: 30 avr 2014 à 11:59
Modifié:  6 mai 2014 à 13:01 par  datura.
Citer vertical_align_bottom

merci.

Sur le fond, je ne suis pas d'accord, je pense que nous vivons. Je ne pense pas que le bonheur soit dans la mort rapide ou dans l'absolution.
Que tout existe au contraire. Le rien non.

Nous passons à côté, toujours. Nous essayons mais nous échouons, toujours.

Chaque tentative, chaque échec ce n'est pas juste un enfant mort (ni n'importe lequel), ce n'est pas ce qui doit vivre ou ce qui doit mourir avec pour fil conducteur ce non-sens..

Ce qui se trouve sous le drap c'est ce que nous refusons de voir en nous, mais je ne crois pas que ce soit le nihilisme, je crois que c'est l'Amour.

D'ailleurs c'est bien ce qu'il reflète ce texte, ce n'est pas le gloire du néant, les réactions qu'on nous prête, c'est la possibilité et la grandeur de l'infi(r)me. La vérité de ce qui nous touche.

Pour être touché il ne faut pas être rien. Il faut avoir été aussi médiocrement et aussi imparfaitement nous.

Quelle différence entre une vieille enfant est un enfant vieille. Ce qui compte est en dehors de nous et ce n'est pas "rien".

Pas d'aménité pour la violence des "sur-homme" mais dans notre capacité, notre volonté à sur-vivre ou par delà nous "vouloir que l'autre vive". Qui ne se résume pas en un lien de domination à l'usage des peuples. Qui est bien plus fondamental qu'un dogme à moustache. Nietzsche ne voit que de l'aigreur dans la faiblesse, c'est faux. Il y a la seule grandeur de l'Etre dominé par lui-même.

 
Page : [1] :: Répondre

 

 



Répondre
Version imprimable
Avertissement par courriel
Autres poèmes de cet auteur
Cocher cette section lue
Cocher toutes les sections lues
Visites: 2789
Réponses: 5
Réponses uniques: 4
Listes: 0 - Voir

Page : [1]

Les membres qui ont aimé ce poème ont aussi aimé les poèmes suivants :



Nous n'avons pas assez de données pour vous afficher des recommandations. Aidez-nous en assignant une cote d'appréciation aux poèmes que vous consultez.

 

 
Cette page a été générée en [0,0353] secondes.
 © 2000 - 2023 VizFX.ca - Tous droits réservés  | Pour nous joindre
L'utilisation de ce site Web implique l'acceptation des Conditions d'utilisation. Tous les textes hébergés par La Passion des Poèmes sont protégés par les lois de la protection des droits d'auteurs ainsi que par des traités internationaux. Il est strictement interdit de distribuer, d'afficher ou d'utiliser ces textes de quelque manière sans l'autorisation de l'auteur du texte en question.

           
 
Oubliez votre mot de passe? Cliquez ici.