Au travers des différentes senteurs, prémices d’un succulent repas, son adorable grand-mère s’active dans la cuisine tandis que l’odeur d’une volaille cuite lentement devant un immense âtre se répand dans la pièce… Mmmmm ; juste un appel à s’asseoir autour de la table monastère. Pour l’instant, assise sur le banc en pierre accolé à la cheminée, je me lève régulièrement pour arroser le poulet et remonter la clef du système de l’ancestral tournebroche. Le temps semble s’arrêter dans cette maison d’un autre siècle où les bougies sont plus nombreuses que les interrupteurs et où le garde-manger, une pièce plus fraîche que les autres remplace le réfrigérateur.
Le ventre bien tendu, je remercie encore une fois cette dame aux cheveux blancs, ridée comme une pomme d’Api et aux yeux bleus pétillants… - Je ne me souviens pas d’avoir dégusté si bonne viande depuis des lustres ; elle était excellente… - Vaï, petiote, les volailles ici picorent toute la journée dans les prés… Elles sont saines et bien portantes… Tu l’as aimée alors j’en suis contente… Prends ces œufs ; tu ne trouveras pas les mêmes dans ta grande ville…
Le goût est encore dans ma mémoire une semaine plus tard en retournant l’omelette que je m’apprête à déguster….. DRING DRING !!! Qui peut venir me déranger en ce moment précis ?
- Oh !!! C’est toi ? Bonjour Fabien… Quelle agréable surprise, je pensais justement à ta grand-mère à son délicieux poulet. - Bonjour Vava, je ne m’attarde pas tu sais qu’elle n’aime pas attendre pour le repas. Elle te prie d’accepter ce cadeau… je repars tout de suite… Je te verrai à la fête de la Saint-Jean… Bises
Du très rapide et me voilà devant le portail ouvert, dans les mains un carton encombrant que mon chien essaie désespérément d’attraper… Ah le carton tressaute… De saisissement, je le lâche ; Urson en profite pour y sauter dessus… et un poulet apeuré en sort en agitant ses pauvres ailes. Pas le réflexe de fermer le portail et voilà le volatile dans la rue… Alors que mes yeux suivent la bestiole pourchassée par mon chien, j’enregistre la présence sur le trottoir d’en face, de ma vieille voisine qui balade son affreux petit caniche… AÏE !!!!! Il a repéré lui aussi le poulet, il tire sur la laisse pour courir derrière… et… pas le temps de m’avancer que sa maîtresse la lâche en tombant tête la première dans le caniveau… Je me précipite ohhhhhhhh ! Un cycliste qui pour l’éviter se déporte sur la voie de gauche et NON !!! Une voiture en face… Le vélo est sur la calandre de la voiture tandis que le jeune homme est étalé de tout son long… OMD !!! Vers qui dois-je me précipiter : la vieille qui hurle, le cycliste ? J’allais me diriger vers ma voisine lorsque le conducteur ouvre la porte de son véhicule et… un camion de gendarme se pointe… Il roule vers nous et... Le poulet et les deux chiens traversent juste devant eux… Le camion freine et donne un coup de volant à droite pour éviter les animaux et la voiture arrêtée au milieu de la route… OUCH !!! La camionnette bleu marine s’est encastrée dans un lampadaire… Je ferme les yeux et les réouvre… Non, je ne cauchemarde pas, cette scène irréelle appartient bien à cet instant… Un gendarme semble un peu perdu, il essaie de comprendre… Il tourne la tête vers moi, le regard interrogateur… Ok, maintenant, je sens que je vais devoir expliquer…
Ma voisine est encore choquée mais elle ne semble pas blessée ; le cycliste se relève les genoux et les bras ensanglantés mais lui non plus n’est pas sérieusement touché… Oufff ! Le conducteur sépare le vélo un tantinet déformé de sa voiture. Un autre gendarme regarde avec dégoût l’avant de son camion défoncé par un lampadaire à la forme étrange…
- J’habite ici… Voulez-vous vous tous entrer ? Je prépare du café, nous risquons d’en avoir besoin.
Ohhhhh ! De la fenêtre de la cuisine, s’échappe une épaisse fumée… L’omelette !!! Feu omelette !!!
Amusant, personne ne se préoccupe de ma cuisine totalement enfumée mais tous me précèdent dans ma maison et s’assoient dans les canapés… J’entends un gendarme appelé un collègue pour qu’il vienne avec un appareil photo et du papier… mais aussi des jappements de chien… Je les avais totalement oubliés. Urson rentre au bercail accompagné du frisé… Tous les deux se couchent gentiment sous la table de la cuisine… Le repos après une course folle… Tandis que j’ouvre la fenêtre et que je mets en route la hotte en constatant que juste la poêle est à jeter, j’allume la cafetière puis pose les tasses remplies dans un plateau… DRING ! DRING !… Par la fenêtre, je fais signe à un nouveau gendarme d’entrer…
- Bonjour Madame, j’ai trouvé…
Pas le temps de développer davantage, voilà que les deux chiens sautent sur le nouvel arrivant qui tient le poulet dans ses mains… Mon plateau posé à cheval sur la table s’envole et les tasses à café se retrouvent sur le bel uniforme avant de se casser… Avec le bruit, les aboiements, un des premiers gendarmes déboule et glisse sur le sol mouillé de café… AÏE !!! Son bras n’a pas plus tout à fait la forme réglementaire et il hurle d’appeler les pompiers…
Il est encore à l’hôpital lorsque je termine le récit de cette rocambolesque succession d’événements… La question qui laisse tout le monde perplexe tombe alors : - Vous êtes assurée ? - Qui ? Moi ?
De nouvelles tasses à café plus loin et nous voilà tous en train de joindre nos assureurs respectifs… Incroyable, il semble que mon salon est devenu une plateforme téléphonique… Et leurs assureurs comme le mien sont dubitatifs… C’est alors que je suis prise d’un fou rire inextinguible et communicatif… Ahahahahahahahahahahah… Il augmente d’un niveau lorsqu’un gendarme les yeux remplis de larmes dit : « et le poulet était toujours vivant !!! »
Nous nous croisons parfois dans mon village et le premier sourire que nous nous adressons est toujours associé à ce jour-là 15 ans plus tôt. Personne n’a jamais su quel ou quels assureurs avaient payé les dégâts… et finalement ce détail n’a aucune importance…
Si je me souviens de cette histoire maintenant c’est en raison du repas au restaurant hier soir… Ils étaient peut-être une trentaine assis à la même table : un dîner de différents assureurs de la région. Ils lisaient les différentes réponses à un test commun qu’ils soumettaient aux nouveaux embauchés de leurs agences respectives… Ils riaient autant que nous avons ri dans mon salon… Notre histoire est peut-être aussi devenue légende aux pays des gendarmes ?
Cette courte nouvelle est dédiée en particulier à ceux qui ont ri à Limoges le week-end dernier... Merci pour ces deux jours de convivialité... ahahahha ... je ne dirai rien de nos conversations... Ce qui s'est raconté à Limoges reste à Limoges...
"Cette courte nouvelle est dédiée en particulier à ceux qui ont ri à Limoges le week-end dernier... Merci pour ces deux jours de convivialité... ahahahha ... je ne dirais rien de nos conversations... Ce qui s'est raconté à Limoges reste à Limoges..."
Une espèce de monde parallèle en quelque sorte ...
Merci Valérie de nous avoir offert cet imbroglio digne d'un film des années 70 avec un certain Pierre Richard ...
Hello, mon EF, Une rencontre entre poulets, non ? ; -) Et pour l'autre rendez-vous, sorry de n'avoir pas été là pour te l'entendre raconter de vive-voix : un plus comme une cerise bleue sur un gâteau cramoisi - une vraie cuisine sanglante ta nouvelle ^^
Bisouxxx d'humour en sauve qui peut... AR
"C'est avec la tête qu'on écrit. Si le coeur la chauffe, tant mieux, mais il ne faut pas le dire. Ce doit être un four invisible." Gustave Flaubert -
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