Son enfant est si beau, son sourire la fait fondre. Il est si doux quand il l'embrasse, Si tendre quand il tend vers elle ses petits bras potelés, Si lumineux quand éclate son rire perlé ... Elle ne peut pas... Ses cris le feraient pleurer, Ses larmes de mère l'anéantiraient, Son sourire se perdrait...
Elle se tait. Elle ne dit rien de ce flot quotidien d'indifférence et de mépris, Elle ne dit rien de ces nuits d'horreur. Elle se tait et elle mange sa peur. Elle étouffe sa rage en petits gâteaux secs, Elle engloutit sa soif dans le thé des voisines, Passe encore trop de temps toujours dans sa cuisine. Elle se voudrait légère, insouciante, ravie, Nourrie de beaux espoirs et libre de sa vie Elle s'enivrerait d'un rien, D'un regard tendre D'un rayon de soleil derrière la colline De l'éclat délicat d'une goutte de rosée... La rage, la peur et la soif sont là, Tapies en elle, enveloppantes, Gardées au fond comme un ultime trésor Inviolable, lui. Elle tient son ventre comme un enfant à naître Pour ne pas perdre de vue qu'un jour elle se donnera naissance. Déjà, elle l'entend dire qu'elle est folle, Qu'elle n'est capable de s'occuper de rien sérieusement. Elle l'entend dire qu'elle ne sait pas ce qu'elle dit, Qu'heureusement il est là pour mettre de l'ordre Elle l'entend dire qu'elle complote, Qu'elle n'est vraiment pas capable .... Alors... Dans le silence feutré de la maison, Elle mord son oreiller pour ne pas hurler quand il l'assaille Elle l'attrape pour que ses mains ne commettent pas l'irréparable. Elle nourrit son être à naître de tout ce qu'elle trouve Et elle mange et elle mange, Anonyme. Elle se dira longtemps qu'il n'est pas si mauvais Qu'il a ses raisons Elle cherchera ... Elle l'observera quand il rentre et se souciera de ses ennuis de santé, Elle lui épargnera des scènes en sortant du travail Et puis... Elle se dira qu'il ne peut rien lui voler au fond Que ses secrets Au moins ses secrets Sont bien à elle.
Un jour, l'enfant partira. Alors elle le regardera vieillir et aura depuis longtemps perdu de vue cette main posée sur son ventre.
Dans le quotidien feutré des maisons, Trop de femmes étouffent encore leurs cris.
Tu emploies des mots justes, des mots anodins mais qui mis bout à bout sont d'une telle force... Seule une femme imparfaite peut corrompre un homme parfait... Elles restent souvent pour leurs enfants ou simplement pour ne pas être seules. C'est un texte magnifique dans sa forme et son contenu.
Terrible ce poème et combien émouvant et réel. Il fallait l'écrire ce texte magnifique dans tout son désarroi, tu l'as fait avec des mots percutants Merci à toi Bises amicales ODE 31 - 17
Toutes mes excuses pour avoir mis si longtemps à vous répondre ; j'ai dû m'absenter quelques mois... Je redécouvre ce poème qui tente de faire entendre ces voix muettes, ces voix meurtries qui ne s'accordent pas le droit d'être, qui ont peur et finissent par penser qu'elles n'en valent pas la peine, encore trop nombreuses. Merci pour vos mots très touchants. Amitiés Jeanne
Je viens de lire ce texte poignant, déchirant tous mes sens en émoi.... Je tenais simplement à vous le dire... Tous les autres mots viennent déjà être écrites... Merci de la mise en partage de ce terrible constat des silences qui emprisonnent tant de femmes battues. actuaire.
« La véritable amitié commence quand les silences ne pèsent plus. » Romain Werlen.
J'ai vraiment ressenti la tristesse dans cette lecture, on en ressort tout retourné et en partageant ce constat dramatique que tu établis, en effet beaucoup ne disent rien, endurent, mais concernant ces femmes, je préférerais qu'on puisse les aider de manière efficace en les respectant et en les accompagnant, plutôt qu'en les critiquant parce qu'elles laissent faire...je crois que la réalité doit s'affranchir de ce jugement, tant la situation est bien plus complexe, en vérité. J'apprécie que tu aies su évoquer ce sujet avec ce réalisme et cette émotion. Amitiés sincères à toi. pyc.
Merci pour ce commentaire attentif Pyc. Tu as raison, les relations qui se tissent dans le secret des maisons et les liens de dépendance mutuels sont toujours bien plus complexes qu'il y paraît. Quelqu'un m'a fait la remarque que ce texte concernait surtout les femmes d'autrefois, qu'aujourd'hui, tout cela avait changé et que les femmes s'étaient affranchies et ne subissaient plus. Sans doute les choses ont elles changé un peu, oui. Je l'espère. J'aimerais le croire totalement mais j'en doute fort. La culpabilité a encore de beaux jours devant elle hélas... Amitiés à toi Jeanne
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