Velléitaire – 1 – L’homme est une ligne fracturée sur la route
(revu - publié d'abord en mars 2010 sous le nom «suicide assisté»)
Je choisis. Je choisis de me retirer du monde. Je fuis l’hermétique univers, les nations désinfectées, vos peuples fantomatiques. Tenus en laisse par le wi-fi. Rappelés au devoir par vos sonneries de malaxage de crasse de tympans.
Lorsque j’abdique, je suis à votre image.
Dans un petit moment, je ne serai plus là. Je n’ai jamais été là. J’attends le vaisseau spatial. J’attends l’ouverture des portes. J’attends mes semblables.
Tout y est, tout tient dans un verre.
* * *
Vingt minutes à faire couler ces pensées dans un petit verre à moitié plein tapi au creux de mes mains, à demi étendu sur la banquette arrière d’une vieille voiture rouillée en bordure d’un chemin au milieu de la forêt… C’est ma petite mise en situation. Je ressemble à ce que vous voulez que je ressemble. Je suis ouvert aux suggestions. J’ai l’âge qu’il faut que j’aie et je pense que je suis trop normal pour être un personnage dans cette histoire.
Mais revenez à moi, étendu dans mon auto devant la presque tragédie. En fait, pour tout vous expliquer, je suis allé chez un bijoutier avant de partir et j’ai acheté un produit nettoyant pour l’argent et le métal. Ils contiennent du cyanure de sodium ou de potassium. Mélangez-le avec de l’eau et calez tout. Le cyanure, rapidement absorbé par le corps, bloquera ainsi l’apport d’oxygène à tous vos organes, vous vous endormirez paisiblement et si personne ne vous trouve à l’intérieur de quarante minutes, vous mourrez sans douleur dans votre sommeil.
Sauf que là, je me sens comme un cliché. C’est vingt minutes comme un moment de silence dans un film d’horreur. La réalisation ferme son poing sur un couteau derrière le rideau de douche. Et ainsi, télégraphiée, plante en moi sa sagesse dévastatrice. Je n’y arriverai pas. J’abdique l’abdication. Un point c’est tout.
Je sors, lance le verre de toutes mes forces quelque part dans la forêt et contemple, dans la réflexion de la vitre, mes nouveaux yeux vidés de tout espoir.
Je retourne au volant. J’ouvre le pare-soleil et une petite photo tombe sur mes genoux. Je la ramasse, c’est une belle jeune fille… ma mère… Je caresse la ligne de son visage avec mon pouce et la remet doucement dans sa cachette. Je mets la clef dans le contact.
Rabbitwalk est à deux heures de route.
* * *
Les gens voient la forêt comme mystérieuse, mais vraiment… c’est juste des collections d’arbres. C’est peut-être parce que j’ai le pied sur l’accélérateur et pas englouti par la boue des sentiers, mais la seule chose qui m’atteint demeure les lignes blanches segmentées du milieu de la route. Les humains s’efforcent du mieux qu’ils peuvent de se tenir en ligne. Ils savent bien qu’ils doivent mettre un poids sur leurs épaules pour garantir leur sécurité, leur droit à la sécurité, alors ils vont voter. Les lignes sur la route, ce n’est qu’un symbole parmi tant d’autres. Rien de triste. Rien de douloureux. Seulement un appel. L’appel de la société.
J’ai lu un livre en secondaire 2 qui s’appelait l’appel de la forêt. «The call of the wild»… wow, haha… ça sonne vraiment mieux en anglais. Jack London en était l’écrivain, je crois. En tout cas, il vous présente ce chien : «Buck» et au fur et à mesure de ses aventures, Buck se sent de plus en plus attiré par la forêt… par le sauvage, en fait. Je ne crois pas que je ruine quoi que ce soit en disant qu’il y parvient. Je l’avais beaucoup aimé, mais presque tout le monde l’avait détesté… Mais ce que je veux dire, c’est que la forêt m’indiffère… Moi, je regrette les humains, j’ai envie de société… je veux réapprendre à parler aux gens. Je désire la compagnie plus que je m’autorise même à le ressentir. Je veux apprendre à parler aux filles. Je veux bâtir des cercles sociaux. Je veux inventer des systèmes d’organisation sociale où tout le monde serait heureux.
Je veux relier les lignes sur l’asphalte.
* * *
Mais j’ai pas le temps. Je suis le vent. Je siffle entre les arbres. Je siffle à 110 km/h en fa dièse. Les arbres s’éloignent dans mon rétroviseur. De nouveaux prennent leur place, mais ils sont «plus près qu’ils ne paraissent». C’est la paix après la guerre. La paix finalement là, mais déposée sur des ruines encore fumantes. La paix avant la prochaine. J’aimerais ici m’adresser à ceux qui sont si fiers de leurs accomplissements. Les enfants explosifs. La génération prometteuse. Vous vous souvenez encore? «La guerre. Plus jamais.» Merci. Non. Merci, vraiment.
Comme on le dit bien parmi nous : «lol!»
Les arbres sont de plus en plus espacés. Les arches qu’ils formaient au dessus des portions de route plus étroites deviennent moins denses et le soleil pénètre les branches en petits rayons lumineux. C’est vraiment très beau. Ça fait féerique, haha. Vas-y! Étend ta magie sur la rouille de ma vieille voiture! Fais-moi voler! Fais-moi planer entre les mondes! Fais-moi voyager dans les âges et danser entre les branches de tes arbres! Je veux être un esprit enjoué qui apporte la paix aux époques!
Haha… stupide forêt! Tu ne peux même pas me rendre intemporel! Quel ennui… mais quel ennui…
Au bout de l’horizon se dessine une autre arche et un virage à 30 degrés. Parfois, je voudrais être un conducteur de rallye pour qu’on me prédise les virages comme ça, je deviendrais célèbre et me crasherais en hélicoptère juste pour me donner une fin ironique. Je regarde au ciel. Le plafond délabré de ma voiture. Le pare soleil plié et la photo de ma mère qui dépasse par le bord et qui menace de tomber. J’essaie d’étendre mon bras pour la repousser dans sa cachette tout en tenant le volant de l’autre main. Je parviens à pousser la photo et j’entreprends le virage. Seulement, cette fois, le virage a décidé de faire place à la forêt…
* * *
T'es bien jolie, mais est-ce que tu fond sur la langue?
Wow. Je dois te dire que je ne m'attendais pas à une si belle réponse. T'as raison sur toute la ligne lol...
T'as raison c'est une histoire sur la recherche des autres, sur la guérison du «coeur». Ça s'empirera avant d'aller mieux, mais ça ira mieux, certain. Une chose est sûre, écrire tout ça, ça fait du bien.
Je crois que nous jugeons si durement nos défauts et nos actes malhabiles (Nous-mêmes + notre environnement qui veut nous vendre LA solution pour les combler) que nous en oublions que nous avons des forces sur lesquelles nous pourrions nous concentrer.
J'espère que la suite te plaira!
T'es bien jolie, mais est-ce que tu fond sur la langue?
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