Mon Pays, Ma Souffrance, Les cauris ne savent plus parler et se taisent, Les gris-gris dorment sous les chiffons muets et impuissants, Les os même dévorent la sève de l'arbre dans la poudre du sang des coqs, Les charognards tournent pour nous et attendent - ils savent - notre vie ou notre mort, Qu'importe! un même nom peut se donner à la même chose.
Le pied nu dans l'herbe jaune ne laisse pas de traces Sauf le coucher cassé des tiges, L'empreinte alors se libère du fardeau de l'air d'une sèche sève, La plaine est comme un vide étrange sans ses oiseaux piailleurs, Les eucalyptus sèment l'ovale cri de leurs feuilles odorantes grises Dans l'absence des phacochères aux dents courbes.
Corps transparents sur des ventres vides bombés très ronds des enfants, Une déjà lenteur achève le ralenti des mouvements, Les mouches mangent la nudité des yeux noires et piquantes, Les yeux - ha, nos yeux! - agrandis de pleurs ne se ferment plus Et nos corps prennent dans le jour la forme blanche des linceuls.
Mon poids marque à peine le lit rouge des poussières, Ma femme baise en vain du front les fétiches sous les arbres anciens, La case à mil est vide d'une attente mourante, Les luths abritent l'araignée sous leurs fils à musique, Les démons sortent même dans le jour et ne craignent plus le soleil,
Mon Pays, Ma Souffrance, Qu'es-tu devenu?
Brûlé, glacé, Je brûle dans la glace froide de ma nouvelle mort, La première étant celle de ma précédente naissance dans un monde déjà si mort, Naître à la mort si proche l'âme si fraîche criant sa vie nouvelle.
Métamorphoses des semences obstinées voulant l'homme au hasard de son choix, La femme impuissante créatrice lavant ses sangs impurs sur les pierres d'obsidienne
Griots réglant le rite des graines sur la parole de papier des lèvres, Orale saison du chant dans les sphères des tambours, Orale saison du mensonge sur la plaie des herbes nues, Orale saison du feu s'ouvrant pour l'eau sur les pierres dures,
Fournaises noires du café sur le cercle du foyer là rond vivant, Cercle du silence amère parole sous la langue cachée honteuse, Un goût de vivre comme sucre dans la tasse d'émail, L'œil mangeant l'œil de l'autre en affamé voisin, Un seul sourire sur les gencives livrant le muet des dents solidaires, L'autre en face comme un égal miroir de soi-même, Maigreurs! et l'œil dissout au centre interrogatif flamboyant sous la pâleur des flammes, Cendres!
Pluriels , ce poème -puissant- que tu as écrit en 2008 est douloureusement actuel en 2014 et qui sait pour combien de temps encore. Le Continent perdu manque sa chance pour mille problèmes , inaptitudes, haine, notre avidité et une injustice difficile à déraciner. Émue.
  galatea
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