Elle, assise
Je suis née à Saint-Denis, dans un hôpital tout pourri. Réanimée dès le départ, cordon à la con. Ma mère avait les larmes aux yeux à chaque fois qu’elle racontait l’histoire. Je ne sais pas du coup si c’était pour elle un bon ou un mauvais souvenir. Jamais su et saurai jamais, pas eu le temps de demander. J’ai tenu à ce que tu naisses au même endroit. Eaubonne c’était possible, mais j’ai préféré une belle histoire à transmettre plutôt qu’un joli département sur la carte d’identité. Tu trouves ça con ? Moi je trouve ça bien. Mais peut-être que je me plante. Je doute. Tu sais je doute, de tout, tout le temps. Je ne sais pas si c’est très important que je te raconte tout ça. J’aurais tant aimé que tu la connaisses, ta grand-mère. C’est alors un peu important que je te raconte tout ça, finalement.

L’enfant
C’est pas grave si ta maman elle est morte, on ira en acheter une autre demain.

Elle
Est-ce qu’il y a eu un loupé dans la transmission des valeurs ?

L’enfant
Et toi, tu vas mourir ?

Silence
L’enfant s’en va

Elle
Un jour je vais mourir. C’est certain. Mais crois-moi qu’avant ça, je vais vivre. Pas vivre du style vivre planplan à caresser les chats devant un téléfilm à la con sur TF1. Vivre. Vibrer. Ressentir. Voir. Chanter. Danser. Rire. Manger. Boire. Fumer. À l’excès ! Faire des milliers de trucs que je ne peux pas te dire parce que ça ne se dit pas à un enfant (et même à certains adultes). Rire encore. Courir après le temps, le rattraper, lui faire un doigt, le dépasser, recommencer encore et encore, jusqu’à ce que je ne puisse plus. Je m’y mets demain.

Un texte d'une belle justesse de ressentis.
Je vous souhaite de faire tout cela et de caresser des chats aussi (loin de la télé)

De l'émotion, de la force dans le texte, une envie de vivre.
Et un écho tout particulier par rapport à une pensée que j'avais tout à l'heure, par rapport au fait de ne pas se priver de faire ce qu'on aime, de se lancer à fond tant que l'envie est là, que la vie est là.
J'aime cette approche dans l'écriture, je lis peu dans cette catégorie, mais je me suis senti très intéressé ici.
amicalement.
pyc.

Bonjour Pandore,

Un vrai plaisir de me retrouver sous votre belle plume après une longue absence due à une bestiole virale très en vogue ces derniers temps.

Un très bel échange entre la mère et son enfant rempli d’authenticité, d’émotion et d’ouverture empathique sur l’autre.

Un échange plein de questionnements et de doutes sur la meilleure façon de faire dans l’instant du présent, ainsi que les résolutions volontaristes à prendre, pour demain et tous les autres lendemains, susceptibles à vous mener vers des horizons de plénitude et de bonheur dans le futur du présent.

J’aurais tant aimé que tu la connaisses, ta grand-mère. Ce n’est pas grave si ta maman est morte, on ira en acheter une autre demain

Un jour je vais mourir. C’est certain. Mais crois-moi qu’avant ça, je vais vivre. Vivre. Vibrer. Ressentir. Voir. Chanter. Danser. Rire. Manger. Boire. Fumer. À l’excès!

Et courir après le temps, le rattraper, lui faire un doigt, le dépasser, recommencer encore et encore, jusqu’à ce que je ne puisse plus. Je m’y mets demain.

Superbe prosodie bouleversante. Une potion magique remplie de vérité, de profondeur et empathie.et tant de cris pour réussir sa vie.

Très beau partage
Un grand merci à toi Pandore,
Etienne