Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif:
Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté?
Hélas! Il a sombré dans l'abîme du Rêve!
- Émile Nelligan
Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte
O le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en choeur,
Ainsi que les espoirs naguère à mon coeur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
O le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai !
Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
Et les rayons, ainsi que de pourpres épées,
Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j'ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.
C'est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n'être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d'orage !
Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin
Ou l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !
Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire,
Et qu'un rythme s'entonne au renouveau doré,
Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;
Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ?
Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots !
- Émile Nelligan
À la criée du salut nous voici
armés de désespoir
au nord du monde nous pensions être à l'abri
loin des carnages de peuples
de ces malheurs de partout qui font la chronique
de ces choses ailleurs qui n'arrivent qu'aux autres
incrédules là même de notre perte
et tenant pour une grâce notre condition
soudain contre l'air égratigné de mouches à feu
je fus debout dans le noir du Bouclier
droit à l'écoute comme fil à plomb à la ronde
nous ne serons jamais plus des hommes
si nos yeux se vident de leur mémoire
beau désaccord ma vie qui fonde la controverse
je ne récite plus mes leçons de deux mille ans
je me promène je hèle et je cours
cloche-alerte mêlée au paradis obsessionnel
tous les liserons des désirs fleurissent
dans mon sang tourne-vents
venez tous ceux qui oscillent à l'ancre des soirs
levons nos visages de terre cuite et nos mains
de cuir repoussé burinés d'histoire et de travaux
nous avançons nous avançons le front comme un delta
« Good-bye farewell ! »
nous reviendrons nous aurons à dos le passé
et à force d'avoir pris en haine toutes les servitudes
nous serons devenus des bêtes féroces de l'espoir
- Gaston Miron
Mes camarades au long cours de ma jeunesse
si je fus le haut lieu de mon poème maintenant
je suis sur la place publique avec les miens
et mon poème a pris le mors obscur de nos combats
Longtemps je fus ce poète au visage conforme
qui frissonnait dans les parallèles de ses pensées
qui s'étiolait en rage dans la soie des désespoirs
et son cœur raillait la crue des injustices
Maintenant je sais nos êtres en détresse dans le siècle
je vois notre infériorité et j'ai mal en chacun de nous
Aujourd'hui sur la place publique qui murmure
j'entends la bête tourner dans nos pas
j'entends surgir dans le grand inconscient résineux
les tourbillons des abattis de nos colères
Mon amour tu es là, fière dans ces jours
nous nous aimons d'une force égale à ce qui nous sépare
la rance odeur de métal et d'intérêts croulants
Tu sais que je peux revenir et rester près de toi
ce n'est pas le sang, ni l'anarchie ou la guerre
et pourtant je lutte, je te le jure, je lutte
parce que je suis en danger de moi-même à toi
et tous deux le sommes de nous-mêmes aux autres
les poètes de ce temps montent la garde du monde
car le péril est dans nos poutres, la confusion
une brunante dans nos profondeurs et nos surfaces
nos consciences sont éparpillées dans les débris
de nos miroirs, nos gestes des simulacres de libertés
je ne chante plus je pousse la pierre de mon corps
Je suis sur la place publique avec les miens
la poésie n'a pas à rougir de moi
j'ai su qu'une espérance soulevait ce monde jusqu'ici.
- Gaston Miron
Compagnon des Amériques
Québec ma terre amère ma terre amande
ma patrie d'haleine dans la touffe des vents
j'ai de toi la difficile et poignante présence
avec une large blessure d'espace au front
dans une vivante agonie de roseaux au visage
je parle avec les mots noueux de nos endurances
nous avons soif de toutes les eaux du monde
nous avons faim de toutes les terres du monde
dans la liberté criée de débris d'embâcle
nos feux de position s'allument vers le large
l'aïeule prière à nos doigts défaillante
la pauvreté luisant comme des fers à nos chevilles
mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi
et marche au rompt le coeur de tes écorces tendres
marche à l'arête de tes dures plaies d'érosion
marche à tes pas réveillés des sommeils d'ornières
et marche à ta force épissure des bras à ton sol
mais chante plus haut l'amour en moi, chante!!
je me ferai passion de ta face
je me ferai porteur de ton espérance
veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement
un homme de ton réquisitoire
un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse
un homme de ta commisération infinie
l'homme artériel de tes gigues
dans le poitrail effervescent de tes poudreries
dans la grande artillerie de tes couleurs d'automne
dans tes hanches de montagne
dans l'accord comète de tes plaines
dans l'artésienne vigueur de tes villes
dans toutes les litanies
de chats-huants qui huent dans la lune
devant toutes les compromissions en peaux de vison
devant les héros de la bonne conscience
les émancipés malingres
les insectes des belles manières
devant tous les commandeurs de ton exploitation
de ta chair à pavé
de ta sueur à gages
mais donne la main à toutes les rencontres, pays
toi qui apparais
par tous les chemins défoncés de ton histoire
aux hommes debout dans l'horizon de la justice
qui te saluent
salut à toi territoire de ma poésie
salut les hommes et les femmes
des pères et mères de l'aventure
- Gaston Miron
Speak White!
http://www.youtube.com/watch?v=sCBCy8OXp7I
Le texte n'est rien face à cette extraordinaire lecture...
- Michèle Lalonde
Ostie de câlisse de saint-ciboire de tabarnak!
Y'a queq'chose de pourri au royaume du Trademark
Dieu est mort, faut bien qu'on l'remplace
Qu'on remplisse le vide qui prend toute la place
Ça fait que ça court, ça s'affaire, ça remplit des sacs
Ça consomme, ça espère consumer le trac
Que dis-je le trac : le vertige de l'insignifiance dans ta face
Quand s'écroule à l'écran le château de cartes Visa
Visé au cœur et la télévision coite
Pour une fois te laisse les mains moites
C'est que Dieu est Maure et bien vivace
What ?
Deuxième paragraphe, pendant que les raisons sociales
Paraphent le nouveau contrat social
L'épitaphe sur la pierre tombale
Ci-gît le mal mort sous l'ère mondiale
L'hégémonie voue aux gémonies les régimes honnies
Or, au cœur même de l'homogène gîte l'ennemi
Ben Laden ou Timothy McVeigh
Du pareil au même en hégémonie
Comme en Cendrars, Moravagine
Comme en Eminem, Slim Shady
Comme en sa lanterne, le mauvais génie
Comme en moi-même la saine envie
De miner l'unanime comme une anémie
Il nous faut l'abîme pour échafauder
Que les cendres se calcinent pour s'ériger
Des ruines du vide naissent les pensées
Qui effleurent les narines des éveillés
Bounce le gros! Ouh! Ça groove grave
Bounce le gros! Trouves-tu que ça groove grave?
Tellement trop le goût que ça groove grave!
Pense, le gros, ça prend du courage!
J'ai besoin du vide pour marcher sur le fil
Ce qui me soutient c'est le vide
Sans lui le fil est inutile
J'ai besoin du vide pour que surgisse, rugisse
la fille ou le fils d'un avenir propice
Pour contrer la peur, Jesus is no pacemaker
Comme le draveur sur l'écume qu'on voit groover sur la Beam
J'ai besoin du vide pour marcher sur le fil
Ce qui me soutient, c'est le vide
Sans lui le fil est inutile
Déguédine Dan comme Zinédine Zidane...
Devant la beauté d'un acte terroriste
Penser est un acte laïque, un acte héroïque
Devant la beauté d'un acte historique
Penser est un acte, un attentat symbolique
Mais la panique nous fait manichéens
« Le bien, le mal », clament les Américains
La terreur nous éteint, ‘faut être nietzschéens
Turbiner la peur comme la Manic 5
2X
Salut! Salut! Ceux qui s'allument s'allument
Ceux qui s'unissent s'animent, ceux qui synonyment!
Ceux qui s'allient en liesse, s'allient à l'Énigme
Ceux qui s'éloignent du vide s'aliènent les signes
- Snou de Batlam
Ici le je se démultiplie au nous
je ne nous vois plus à genoux
mais debout
Caribous
dévalant les vallons
arpentant la plaine
nos sabots s’imprimant dans le lichen
dorénavant droit dressés
-dents de dragons hachurant l’horizon-
nos panaches s’entrechoquent en une mâle émulation
et bravant les hurlements de la meute
nos bramements nomment le monde
nous sommes issus d’un sol immense,
qui nous a tissés métissés
rebuts de brins de laine tressés très serrés
sans couture au sein d’une ceinture fléchée
comme quelque queue clinquante de comète effilochée
et si l’on suit le fil de notre texte, il
mène à la sortie du labyrinthe de pan
qui nous éreinte depuis qu’ils ont mis nos torts dedans
ils ont conquis nos territoires,
pillé notre histoire et volé notre mémoire
avec leurs thèses de fous, ils nous ont dit :
« Taisez-vous !
vous êtes comme thésée sans sa ficelle, perdus, déboussolés
vous n’êtes pas vous
vous êtes nous
vous êtes dissousvous ne valez pas 10 sous
notre substrat vous subsume et
la comparaison vous consume »
FAUX !
nous venons d’avant, nous sommes antérieurs
nous sommes des créateurs, pas des créatures,
pas des caricatures
notre maison n’a pas de cloisons
mais 4 saisons
acclimatés au climat
et faisant fi du frimas
nous avons parcouru par ses artères tout un continent titan
notre espèce aspire à l’espace et son empreinte est partout
tapie dans la toponymie
gravée dans le granit
arc-boutée dans les arches
de nos dingues digues dignes de la muraille de chine
dans les champs essouchés sous la lune
et les racines d’un hêtre qui ne peut plus plier
c’est une histoire riche qui n’est sur aucune affiche
et qu’on a laissé en friche
dans nos caboches, ce n’est que roches et fardoches
cosmogonie à l’agonie
dans le tome fantôme d’une mémoire moisie
sur nos épaules on porte pourtant le pack-sac
d’un passé épatant
mais allons-nous mourir en nains quand nous
sommes nés Géants ?
Sitôt venus au nouveau monde
on a dompté les hivers et fabriqué de la terre
on avait la tête à la fête et le coeur au labeur
Opiniâtres, on n’a jamais laissé mourir le feu dans l’âtre
car nous avons la tête à Papineau
la longue langue loquace de Da Costa
le coeur-corsaire de D’Iberville
qui envoie en nos veines
le pur-sang mêlé-mêlé de Riel et des Premières Nations
nous avons l’aviron de Radisson, la vigueur de la Vérendrye
les jarrets de Jolliet et tous les talents de l’intendant Talon
en somme, nous sommes des surhommes uniques
générés par le génie génétique de l’Europe et de l’Amérique
inéluctablement, nous voguons vers le néant
mais allons-nous mourir en nains quand
nous sommes nés géants ?
Opaque! Il faut qu’enfin notre épopée éclate
c’est sans équivoque, cette histoire est pleine et craque
loco locass la provoque de son verbe épique
les eaux sont crevées et tombent en trombe
et forment une flaque, que dis-je une flaque ?
c’est comme un lac à nos pieds
le col se dilate, le sol s’écarquille
pour laisser monter un corps en forme d’ogive
c’est le chaos qui passe dans le chas d’une aiguille
c’est un cri qu’on pousse, un coeur qui pulse
celui d’un peuple qu’on accueille ou qui frappe un écueil
dans l’oeil du cyclone chaque seconde en vaut 4
nous rapproche d’un miracle
c’est un spectacle sans entracte
mais gare à l’arrêt cardiaque
entre la mort et la vie
l’arrivée d’un homme comme lors d’un référendum
un peuple oscille entre le rien et tout ce qui brille
je pose des mots garrots
gare au flot hémorragique
Ô ma rage gicle par tous les pores de mon coeur spongieux
sur ce long jeu, conjure ma mortelle nature
et nous disons que la parole est une sage-femme
qui tire des limbes un monde à naître
fort de cette maïeutique aux forceps
le poète nomme enfin celui dont il voit poindre la tête :
QUÉBEC !!!!!
- Loco Locass
- - - - - - -
What are the roots that clutch, what branches grow
Out of this stony rubbish? Son of man,
You cannot say, or guess, for you know only
A heap of broken images, where the sun beats,
And the dead tree gives no shelter, the cricket no relief,
And the dry stone no sound of water. Only
There is shadow under this red rock,
(Come in under the shadow of this red rock),
And I will show you something different from either
Your shadow at morning striding behind you
Or your shadow at evening rising to meet you;
I will show you fear in a handful of dust.
- Thomas Stearns Eliot
With the man I love who loves me not,
I walked in the street-lamps' flare;
We watched the world go home that night
In a flood through Union Square.
I leaned to catch the words he said
That were light as a snowflake falling;
Ah well that he never leaned to hear
The words my heart was calling.
And on we walked and on we walked
Past the fiery lights of the picture shows —
Where the girls with thirsty eyes go by
On the errand each man knows.
And on we walked and on we walked,
At the door at last we said good-bye;
I knew by his smile he had not heard
My heart's unuttered cry.
With the man I love who loves me not
I walked in the street-lamps' flare —
But oh, the girls who ask for love
In the lights of Union Square.
- Sara Teasdale
No te amo como si fueras rosa de sal, topacio
o flecha de claveles que propagan el fuego:
te amo como se aman ciertas cosas oscuras,
secretamente, entre la sombra y el alma.
Te amo como la planta que no florece y lleva
dentro de sí, escondida, la luz de aquellas flores,
y gracias a tu amor vive oscuro en mi cuerpo
el apretado aroma que ascendió de la tierra.
Te amo sin saber cómo, ni cuándo, ni de dónde,
te amo directamente sin problemas ni orgullo:
así te amo porque no sé amar de otra manera,
sino así de este modo en que no soy ni eres,
tan cerca que tu mano sobre mi pecho es mía,
tan cerca que se cierran tus ojos con mi sueño.
- Pablo Neruda
Si consideras largo y loco
el viento de banderas
que pasa por mi vida
y te decides
a dejarme a la orilla
del corazón en que tengo raíces,
piensa
que en esa día,
a esa hora
levantaré los brazos
y saldrán mis raíces
a buscar otra tierra.
Pero
si cada día,
cada hora,
sientes que a mí estás destinada
con dulzura implacable,
si cada día sube
una flor a tus labios a buscarme,
ay amor mío, ay mía,
en mí todo ese fuego se repite,
en mí nada se apaga ni se olvida,
mi amor se nutre de tu amor, amada,
y mientras vivas estará en tus brazos
sin salir de los míos.
- Pablo Neruda
From childhood's hour I have not been
As others were; I have not seen
As others saw; I could not bring
My passions from a common spring.
From the same source I have not taken
My sorrow; I could not awaken
My heart to joy at the same tone;
And all I loved, I loved alone.
Then- in my childhood, in the dawn
Of a most stormy life- was drawn
From every depth of good and ill
The mystery which binds me still:
From the torrent, or the fountain,
From the red cliff of the mountain,
From the sun that round me rolled
In its autumn tint of gold,
From the lightning in the sky
As it passed me flying by,
From the thunder and the storm,
And the cloud that took the form
(When the rest of Heaven was blue)
Of a demon in my view.
- Edgar Allan Poe
Take this kiss upon the brow!
And, in parting from you now,
Thus much let me avow-
You are not wrong, who deem
That my days have been a dream;
Yet if hope has flown away
In a night, or in a day,
In a vision, or in none,
Is it therefore the less gone?
All that we see or seem
Is but a dream within a dream.
I stand amid the roar
Of a surf-tormented shore,
And I hold within my hand
Grains of the golden sand-
How few! yet how they creep
Through my fingers to the deep,
While I weep- while I weep!
O God! can I not grasp
Them with a tighter clasp?
O God! can I not save
One from the pitiless wave?
Is all that we see or seem
But a dream within a dream?
- Edgar Allan Poe
I KNOW that I shall meet my fate
Somewhere among the clouds above;
Those that I fight I do not hate,
Those that I guard I do not love;
My county is Kiltartan Cross,
My countrymen Kiltartan's poor,
No likely end could bring them loss
Or leave them happier than before.
Nor law, nor duty bade me fight,
Nor public men, nor cheering crowds,
A lonely impulse of delight
Drove to this tumult in the clouds;
I balanced all, brought all to mind,
The years to come seemed waste of breath,
A waste of breath the years behind
In balance with this life, this death.
- William Butler Yeats
He Wishes For The Cloths Of Heaven
HAD I the heavens' embroidered cloths,
Enwrought with golden and silver light,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and the half-light,
I would spread the cloths under your feet:
But I, being poor, have only my dreams;
I have spread my dreams under your feet;
Tread softly because you tread on my dreams.
- William Butler Yeats
Two roads diverged in a yellow wood,
And sorry I could not travel both
And be one traveler, long I stood
And looked down one as far as I could
To where it bent in the undergrowth;
Then took the other, as just as fair,
And having perhaps the better claim
Because it was grassy and wanted wear,
Though as for that the passing there
Had worn them really about the same,
And both that morning equally lay
In leaves no step had trodden black.
Oh, I marked the first for another day!
Yet knowing how way leads on to way
I doubted if I should ever come back.
I shall be telling this with a sigh
Somewhere ages and ages hence:
Two roads diverged in a wood, and I,
I took the one less traveled by,
And that has made all the difference.
- Robert Frost
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
[...]
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
- Charles Baudelaire
Born like this
Into this
As the chalk faces smile
As Mrs. Death laughs
As the elevators break
As political landscapes dissolve
As the supermarket bag boy holds a college degree
As the oily fish spit out their oily prey
As the sun is masked
We are
Born like this
Into this
Into these carefully mad wars
Into the sight of broken factory windows of emptiness
Into bars where people no longer speak to each other
Into fist fights that end as shootings and knifings
Born into this
Into hospitals which are so expensive that it's cheaper to die
Into lawyers who charge so much it's cheaper to plead guilty
Into a country where the jails are full and the madhouses closed
Into a place where the masses elevate fools into rich heroes
Born into this
Walking and living through this
Dying because of this
Muted because of this
Castrated
Debauched
Disinherited
Because of this
Fooled by this
Used by this
Pissed on by this
Made crazy and sick by this
Made violent
Made inhuman
By this
The heart is blackened
The fingers reach for the throat
The gun
The knife
The bomb
The fingers reach toward an unresponsive god
The fingers reach for the bottle
The pill
The powder
We are born into this sorrowful deadliness
We are born into a government 60 years in debt
That soon will be unable to even pay the interest on that debt
And the banks will burn
Money will be useless
There will be open and unpunished murder in the streets
It will be guns and roving mobs
Land will be useless
Food will become a diminishing return
Nuclear power will be taken over by the many
Explosions will continually shake the earth
Radiated robot men will stalk each other
The rich and the chosen will watch from space platforms
Dante's Inferno will be made to look like a children's playground
The sun will not be seen and it will always be night
Trees will die
All vegetation will die
Radiated men will eat the flesh of radiated men
The sea will be poisoned
The lakes and rivers will vanish
Rain will be the new gold
The rotting bodies of men and animals will stink in the dark wind
The last few survivors will be overtaken by new and hideous diseases
And the space platforms will be destroyed by attrition
The petering out of supplies
The natural effect of general decay
And there will be the most beautiful silence never heard
Born out of that.
The sun still hidden there
Awaiting the next chapter.
- Charles Bukowski
Yesterday, upon the stair
I saw a man who wasn't there
He wasn't there again today
Oh, how I wish he'd go away...
- William Hugues Mearns
Now Suzanne takes your hand
And she leads you to the river
She is wearing rags and feathers
From Salvation Army counters
And the sun pours down like honey
On our lady of the harbour
And she shows you where to look
Among the garbage and the flowers
There are heroes in the seaweed
There are children in the morning
They are leaning out for love
And they will lean that way forever
And you want to travel with her
And you want to travel blind
For she's touched your perfect body
With her mind
- Leonard Cohen