J'ouvre les yeux et à nouveau, me retrouve dans mon lit. Je n'ai aucune notion du jour ou de l'heure. Ai-je été inconsciente longtemps ? Mon mal de tête est toujours prégnant et s'accompagne à présent d'une douleur lancinante à la nuque. J'ai toujours aimé caractériser mes douleurs, en prendre conscience et les situer précisément dans chaque partie de mon corps. Je me sens vieille, froissée, fatiguée. La place vide à côté de moi est comme un manque que je ne ressens pas encore vraiment. L'absence de mes enfants à cet instant précis est un poids qui m'écrase et me coupe le souffle. Tout me semble irréel, jusqu'au grain de ma peau qui se brouille devant mes yeux. Des voix me parviennent, elles semblent venir du salon. Je m'extirpe de ce lit qui semble être mon nid depuis quelques jours. Je n'ai pas besoin d'essayer d'être discrète, aucun son autre que les voix ne semble audible ici. J'ouvre la porte et m'approche du salon, mais, je n'ai pas envie d'être vue. Je veux entendre. Je ne devrais pas espionner mon hôte mais... Je reconnais l'homme. Celui de la chambre d'hôtel. Il semble préoccupé :
« Tu t'es fourvoyée, tu n'aurais pas dû la prendre sous ton aile. Elle ne le mérite pas. - C'est faux. Il y a du bon en elle, je le sens. Elle ne nous décevra pas. - Elle mérite ce qu'il lui arrive. Elle en assumera les conséquences. - Je peux y arriver, je le sais. Ses phases de repos sont de plus en plus longues... Ça fonctionne. - Depuis quand dort-elle ? - Trois jours. On y arrive. - Tu n'aurais pas dû lui promettre sept semaines. Il ne sera plus temps. - C'était la seule façon qu'elle accepte. Je devais lui promettre un éloignement suffisant. C'était nécessaire. J'ai confiance en elle. - Tu n'as plus le temps. C'est pour demain. - Demain ? Non... c'est impossible. J'ai encore besoin de quelques jours au moins. - Ce n'est plus de mon ressort à présent. J'ai retardé l'échéance autant que possible mais il y a des choses que même toi et moi ne contrôlons pas. - J'y arriverai. Je la réveillerai s'il le faut mais j'y arriverai. Laisse-moi maintenant. Pose les photos sur la table et va t'en. »
Je ne comprends rien à ce qui vient de se passer. Ma tête... Les choses ne sont pas normales. Je retourne dans la chambre et m'allonge afin de réfléchir à la situation. Je dors beaucoup. Beaucoup trop. Peut-être me drogue-t'elle à mon insu ? Elle si gentille, si prévenante, si... Calculatrice ? Je ne sais rien d'elle, rien de très personnel. Mes paupières s’alourdissent. Non... il ne faut pas que je dorme, surtout pas... Pas maintenant...
L'obscurité est presque totale. Seule une bougie posée sur la cheminée diffuse une clarté quasi divine. Je ne suis pas croyante et pourtant, je suis en paix. C'est peut-être parce que je suis chez moi. Alex est allongé sur le canapé. Je le regarde et une bouffée d'amour me transperce de part en part : « comme un manque que je ne ressens pas encore vraiment » Maintenant ; si. Cet homme et mes enfants sont mon foyer, mon oxygène, mon sang, mes piliers. Peu importent les désillusions. Nous devons essayer encore, plus fort. Tout devient limpide. Je n'ai rien à faire chez cette étrangère, ce n'est pas ma place. Je dois rentrer. Aujourd'hui.
Cette pensée suffit à me réveiller. Le carcan qui enserre mon crâne le compacte de plus en plus. Je sors de la chambre. Elle est assise sur le canapé, elle lit. Je n'ai fait aucun bruit et pourtant, elle lève la tête. Ses yeux semblent lire dans mes pensées.
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